Etude Archipel&Co – Stéphanie Calvino
Depuis 5 ans, le cabinet Archipel&Co évalue la contribution économique et sociétale du boncoin à travers une série d’études réalisées auprès d’un large panel de Français. À l’occasion de l’anniversaire de la marque, une synthèse des enseignements de ces études a été faite, en l’enrichissant du regard de plus de 15 experts venus d’horizons différents : sociologues, économistes, historiens, politologues, journalistes, entrepreneurs. Stéphanie Calvino, styliste, donne son avis.
Stéphanie Calvino est styliste. En 2016, à la suite du manifeste de Lidewij Edelkoort, elle a lancé le mouvement Anti_Fashion Project, dont l’objet est de mettre en lumière les dynamiques, initiatives, idées et acteurs participant au renouveau de la mode et à une économie plus responsable.
Selon vous, que nous enseigne le succès du boncoin ?
leboncoin est « la » plateforme d’économie circulaire. L’entreprise a vraiment adopté un positionnement précurseur et visionnaire, 15 ans en avance. Au point qu’aujourd’hui, « acheter en mode boncoin » est presque devenu un verbe, un nouveau mode de consommation voire un nouveau mode de vie. Des marques comme Veja ou Patagonia, nées il y a une quinzaine d’années, furent aussi visionnaires en adoptant avant les autres un positionnement écologique, qui leur valait alors quelques moqueries.
Le succès de ces nouvelles façons de consommer est le produit de plusieurs tendances. Comme l’exprime bien la journaliste Sophie Fontanel, le succès du boncoin dit notre envie d’être acteur, d’être créatif, de chiner la pièce rare. De plus en plus de gens en ont marre de la standardisation, marre de ressembler à tout le monde. Le succès du boncoin reflète aussi bien sûr la sensibilisation croissante à un nouveau mode de consommation : pourquoi acheter neuf alors qu’un objet de seconde main, presque identique, peut nous intéresser ? Et cet état d’esprit touche tous les types d’objets, c’est bien la force du boncoin : qu’il s’agisse d’acheter une voiture, un vêtement ou un meuble, il s’agit avant tout de consommer autrement.
Plus largement, l’enjeu est je pense de redonner du sens à sa consommation, de l’investir de significations. Pour ma part, je suis très sensible au fait de redonner vie à un objet, de découvrir son vécu, son histoire. Selon moi les objets ont pour ainsi dire une âme, j’y suis très attachée. Et cette dimension sentimentale est très présente sur leboncoin. Acheter devient un acte incroyable, et qui fait du bien : l’achat que l’on réalise est réfléchi et engagé. En ai-je vraiment besoin ? Si oui, par quels biais vertueux puis-je me le procurer ? Quand on achète sur leboncoin, on est un peu « touchés par la grâce » !
J’ajouterais enfin qu’acheter ou vendre sur leboncoin, c’est aussi se créer un réseau, rencontrer des gens qui partagent des centres d’intérêt communs.
Vous êtes la fondatrice d’Anti_Fashion Project. Quels sont les liens entre votre approche et celle du boncoin ?
Anti_Fashion project est né en 2016, suite au manifeste de Lidewij Edelkoort. Nous avons organisé un cycle de conférences en France, sur l’économie sociale et solidaire, afin de sensibiliser les industriels et les consommateurs aux nouvelles façons de produire et de consommer. Les synergies avec leboncoin nous ont vite paru évidentes. Ma rencontre avec l’équipe du boncoin fut un vrai « coup de foudre » professionnel et amical. Il me semble que l’ADN du boncoin est aussi celle-ci : un projet porté par de « vraies personnes », attachées aux valeurs prônées par la marque.
Si nous nous attardons sur la mode, ce secteur est un des exemples forts de l’économie circulaire aujourd’hui. Ce n’est plus du tout une pratique de « bobos » que de vouloir consommer solidaire afin d’avoir de l’impact. En réalité, les plus démunis sont les vrais « précurseurs » de l’économie circulaire, quoique sous contrainte. Cette logique économique de la seconde main leur est imposée d’office. Désormais, de plus en plus de marques sont sensibles au fait de produire différemment. Nous l’observons au sein de notre atelier Résilience à Roubaix, où de nombreuses marques, y compris de premier plan, viennent nous voir.
La crise du COVID a fortement accéléré cette prise de conscience. Comme souvent, après le chaos et le marasme, de nouvelles choses se créent et invitent à espérer. leboncoin a en tout cas senti bien avant les autres cette aspiration à consommer autrement. Et il est bien sûr clé que des entreprises de cette taille s’engagent de la sorte.
Anti_Fashion project a aussi une dimension d’insertion. Nous avons mis en place un programme de mentoring, destiné aux jeunes des quartiers prioritaires, afin de faire de la mode et de la création un vecteur d’insertion économique.
Justement, leboncoin vous semble-t-il être un acteur légitime sur cet enjeu d’inclusion ?
Tout à fait ! leboncoin est légitime à prendre position sur ces enjeux liés à l’inclusion car c’est avant tout une plateforme où on trouve des solutions immédiates. C’est aussi une plateforme sans hiérarchisation : tout le monde est au même niveau, c’est très intéressant en termes de dialogue social. On peut se retrouver un beau jour à toquer à la porte de quelqu’un dont le niveau social est très différent du nôtre. En termes d’inclusion, d’éveil, d’insertion, c’est très fort.
Cet impact du boncoin en termes d’insertion et de lien social est sensible dans les territoires. Prenons l’exemple du confinement : leboncoin a permis à des milliers de gens de continuer à échanger, à être connecté pendant cette période. Pour le dire de façon simple, leboncoin est bien plus qu’une plateforme d’achat / revente.
Iriez-vous jusqu’à employer le terme de communauté ?
Bien sûr !
Peut-être est-ce dû à l’environnement graphique du site, ou au fait d’échanger avec des gens qui ont un centre d’intérêt commun, mais en tout cas, c’est un site sur lequel on se sent bien, toujours ouvert.
On est chez les gens, on va chez les gens. Ce n’est pas du tout impersonnel, il y a quelque chose de très humain.
Comment s’articule cette dimension humaine avec l’ADN numérique du boncoin ?
leboncoin fait plus largement écho, me semble-t-il, aux opportunités offertes par le web. Le web et le numérique ont permis de rendre les gens libres. Libres de se découvrir et de développer de nouveaux talents : aujourd’hui, avec un téléphone, n’importe qui peut devenir photographe ! Cette accessibilité s’est fortement étendue au cours des 10-15 dernières années. Et cela a aussi fait naître de nouveaux métiers, comme celui de « community manager ».
Et leboncoin fait assurément partie de ces solutions que le web a fait naître. C’est aussi une preuve de l’utilité sociale du numérique, ou du moins d’un certain type de numérique. Une plateforme comme leboncoin est la preuve qu’il existe des synergies fortes entre le numérique et l’inclusion, l’empowerment.