Etude Archipel&Co – Amandine Lepoutre
Depuis 5 ans, le cabinet Archipel&Co évalue la contribution économique et sociétale du boncoin à travers une série d’études réalisées auprès d’un large panel de Français. À l’occasion de l’anniversaire de la marque, une synthèse des enseignements de ces études a été faite, en l’enrichissant du regard de plus de 15 experts venus d’horizons différents : sociologues, économistes, historiens, politologues, journalistes, entrepreneurs. Amandine Lepoutre, co-fondatrice et co-présidente du think-tank Thinkers & Doers, donne son avis.
Amandine Lepoutre est la co-fondatrice et co-présidente du think-tank Thinkers & Doers, dont la mission est d’accélérer le mouvement des entreprises citoyennes, des organisations et des institutions pour redéfinir le rôle de chacun dans la société autour des thématiques du climat, de l’égalité et du progrès social.
Pour vous, quelle est la contribution majeure du boncoin ? Que raconte le succès de la plateforme ?
leboncoin est aujourd’hui souvent présenté comme un acteur de la consommation responsable avec bien sûr le symbole de l’économie circulaire et l’achat/revente de produits. Cette présentation me semble évidemment vraie mais elle ne raconte pas l’histoire complète de la plateforme selon moi.
Le désir de rendre service, de s’engager, très présent sur leboncoin, dit quelque chose de notre façon de nous présenter, à nous-mêmes et aux autres. Cette dimension d’engagement me semble centrale. Cette dimension d’engagement est aussi symbolique du succès de l’entreprise leboncoin elle-même. Vers quoi l’entreprise tend-t-elle sur le plan social, économique, écologique, au-delà de la maximisation du profit ? leboncoin est un très bel exemple d’une entreprise qui a su garder une colonne vertébrale solide, et tenir dans la durée en restant alignée et en cohérence avec ses valeurs.
Comment concilier justement d’un côté engagement de l’entreprise et nécessité de rester au service des utilisateurs qui ont, par construction, des affinités différentes ? Faut-il aller jusqu’à parler d’entreprise militante ?
Je n’irais peut-être pas jusqu’au terme « militant » mais je ne vois aucune contradiction potentielle entre engagement de l’entreprise et respect des croyances et valeurs de chaque usager. Le côté « évident » du boncoin reflète des tendances et des évolutions de fond perceptibles dans la société française.
La responsabilité que je pourrais évoquer pour leboncoin serait de rendre encore davantage lisible et accessible la réussite de son modèle d’une part, et d’autre part les évolutions de la société française qu’elle entraîne. La réussite de son modèle car leboncoin constitue indéniablement une source d’inspiration pour des entrepreneurs sociaux ou entreprises à impact, en démontrant qu’il est possible de réussir, d’être en croissance et de tenir le cap avec un modèle vertueux et en respectant son alignement. Mais aussi les grandes leçons sur la société française, auprès des pouvoirs publics ou de chercheurs et sociologues. Observer et analyser les comportements des utilisateurs du boncoin est un incroyable baromètre de la société française.
Au carrefour de ces deux enjeux, il me semble que leboncoin pourrait légitimement jouer un rôle d’interface entre plusieurs acteurs – pouvoirs publics, associations… –, notamment dans les territoires, dans une logique relevant moins du « politique » au sens traditionnel du terme que d’une approche citoyenne, de bien commun, en particulier sur le côté « S », social, d’ESG. La question des inégalités sociales est l’enjeu clé de la période que nous traversons actuellement et des mois ou années à venir.
L’extrême pauvreté, les difficultés d’insertion des plus vulnérables, sont des thématiques qui seront au cœur de la période post-COVID.
Vous êtes la co-fondatrice, avec Eudeline de Tinguy, du thinktank Thinkers & Doers. Certains de vos projets font-ils écho aux missions ou à l’impact du boncoin ?
Je vois deux points sur lesquels les synergies et échos entre nous et leboncoin sont forts.
Le premier est celui de la reconnaissance, un thème qui nous tient particulièrement à cœur : comment renforcer la reconnaissance à l’égard des publics les plus fragiles et bien souvent invisibilisés ? Nous travaillons beaucoup sur cette question, dans une logique territoriale : car de nombreuses solutions sont inventées dans les villes, les territoires, à l’échelle locale, mais ne sont pas visibles à l’échelle nationale.
Le second est celui de la sincérité, qui est une de nos valeurs fortes. On retrouve cet enjeu d’alignement, de garder le cap y compris quand les perspectives sont moins enthousiasmantes. Ces deux éléments résonnent fortement avec l’ADN du boncoin.
Plus largement, Thinkers & Doers œuvre en faveur de ce que nous nommons une « Economy for Humanity ». Cela rejoint fortement l’idée d’entreprise citoyenne et la question de l’alignement, et nous encourageons à cet égard l’interfaçage entre différents acteurs : des entreprises, des fonds d’investissement, des pouvoirs publics… qui peuvent ainsi apprendre à travailler ensemble et à aligner leurs intérêts.